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Printemps silencieux

Il est de ces textes qui marquent profondémment, définitivement. Printemps silencieux de Rachel Carson en est un pour moi...

C'est mon professeur de biologie, écologiste des premières heures, qui, blasé de devoir nous enseigner une biologie désincarnée, nous a parlé de Rachel Carson.

Biologiste marine, femme engagée, elle a écrit en 1962 , Printemps silencieux.

Dès le premier chapitre, au travers d'un conte métaphorique, elle parle d'un étrange mal qui se répand et  elle plante le décor: ce fût un printemps sans voix. Elle se propose dans le livre d'expliquer pouquoi ces voix ( les oiseaux) se sont tus et ont été décimés.

Dans un langage à la fois poétique , une créativité métaphorique hors normes, elle va alors dans tout le livre dénoncer méthodiquement l'usage des pesticides d'alors , notamment le DDT. 

Elle y montre que ces produits chimiques, censés protéger les cultures, sont en réalité responsables de la disparition d'espèces, de pollution des sols, de maladies chez les humains et surtout du silence de la nature, comme les oiseaux qui ne chantent plus au printemps.

Elle alerte contre une confiance aveugle dans la science industrielle et la chimie, soulignant que l’homme détruit l’environnement sans en mesurer les conséquences.

Vulgarisatrice incroyable du fait de son art de dire, elle a ouvert les yeux du public  sur les dangers de la pollution chimique, a contribué à l'interdiction du DDT dans plusieurs pays et mené à la création de l'agence américaine de protection de l'environnement. Bien sûr, elle est considérée comme un pilier d'influence du mouvement écologiste. 

Elle a eu un impact dans le Monde entier et son livre a été notamment interdit en Chine pendant la Révolution culturelle (1966–1976), une période marquée par des purges idéologiques et une censure stricte des idées jugées subversives ou étrangères au régime maoïste par ses critiques de l'industrialisation et de l'usage des produits chimiques.

Elle y critique critique l’arrogance humaine face à la nature, et avertit que l’usage irréfléchi de la science — en particulier les pesticides — menace la planète entière. Elle appelle à une science éthique, respectueuse de la vie, plutôt qu’à une science dominatrice et destructrice. Elle remet en question l’idée que l’humain peut ou doit "dominer" la nature. Elle prône l’humilité et l’harmonie et décrit la pollution comme une conséquence directe des choix humains, soulignant notre responsabilité collective.

Ce livre n'est pas un livre scientifique comme les autres: elle utilise toute sa rigueur scientifique alliée à son don des mots et des images qui frappent pour passer ses messages.

Lu une première fois à 14 ans, ce livre a été un choc brutal, une révélation mais également un émerveillement de cette capacité de dire et d'écrire; je l'ai lue et relue à différentes périodes de ma vie, et chaque fois j'y ai puisé un renforcement de mes convictions, un apaisement face à mon urgence de dire, elle qui écrivait: "Sachant ce que je fais, il n'y aurait pas de paix future pour moi si je gardais le silence."

Lorsque je doute, c'est vers ses mots que je reviens, sa force et son courage de dire malgré l'hostilité.

Et lorsqu'elle parle d'un printemps silencieux sans oiseaux qui chantent, je pense désormais à nos printemps, eux aussi trop souvent silencieux, sans cris et rires d'enfants, parce que déracinés du dehors et replantés en dedans...

Je pourrais écrire une version de Printemps silencieux, en remplaçant les oiseaux par les enfants... les pesticides et les herbicides symboliques sont là aussi, ceux qui veulent dresser et redresser les petites pousses rebelles que sont nos enfants qui sont pourtant, par leur révolte encore active, de précieux lanceurs d'alerte que nous sommes allées trop loin , dans ce que je nomme l'agriculture intensive de l'enfance. 

Je vous  le conseille donc vivement!

 

Rédigé par Céline Lamy